Libération – Stéphane Goudet, remis de l’avoinée

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Stéphane Goudet, remis de l’avoinée

Par Didier Péron
Article publié dans le Libération du 28 mars 2014.
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Copytight : Frédéric Stucin

Le directeur artistique du cinéma Méliès de Montreuil, licencié par Dominique Voynet, compte bientôt prendre sa revanche.

«La politique, ça ne peut pas être une sorte de Fight Club, où le seul objectif est de traîner l’adversaire dans la poussière, lui faire rendre gorge, l’humilier, le détruire.» C’était en novembre, l’élue Europe Ecologie-les Verts (EE-LV) Dominique Voynet, après six ans comme maire à la tête de la ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis), créait la surprise en annonçant qu’elle ne briguerait pas un second mandat. Elle se disait laminée par les coups tordus de ses adversaires.
Stéphane Goudet, qui était directeur artistique du cinéma le Méliès de Montreuil depuis 2002 et que Dominique Voynet a licencié sans préavis ni indemnités, s’étrangle. Côté Fight Club, il a été servi. Accusé par l’élue verte et ses équipes de «harcèlement moral» sur agent municipal, soupçonné d’un délit de «favoritisme» dans l’attribution du marché du nouvel équipement numérique de la salle, de détournements de fonds pour des séances scolaires, Voynet elle-même mouillant la chemise et parlant dans la presse de «sacs de billets dans un placard pour un total de 1 800 euros», et de création d’une «caisse noire» pour régler les faux frais cannois de Goudet en goguette festivalière ou acheter de la cocaïne au cinéaste Abel Ferrara venu débattre un soir. Au fil des mois, le torchon n’a cessé de cramer entre un directeur de salle jugé arrogant et une édile qui s’est lancé dans ce qu’elle estime être une salutaire «déstalinisation»d’une ville qui a vécuvingt-quatre ans de communisme avec Jean-Pierre Brard.
Stéphane Goudet, qui n’est pas communiste et n’a de carte dans aucun parti (mais vote à gauche), a tout entendu, les noms d’oiseaux sifflent. Il est la «star» ou la «diva», et finalement, le «sale type» et le «voleur». Sonné, il n’a pourtant jamais été à terre : «Se prendre des coups dans la gueule en permanence, ça te met en danger. Parfois, je voulais me barrer, c’était une question de survie psychique mais l’élan collectif, les gens de mon équipe qui font quarante-six jours de grève, les associations de spectateurs qui manifestent, je ne pouvais pas lâcher prise.» A la première contre-projection organisée en réaction à son licenciement, devant la salle comble réunie à la Parole errante, un lieu alternatif construit sur le lieu même des anciens studios Méliès, il fond en larmes.
Quand il prend la tête du cinéma en 2002, il a failli changer de vie (un poste à Hanoi d’attaché audiovisuel, supprimé une semaine après qu’il le décroche), il se lance dans une bouillonnante ligne éditoriale tous azimuts : festival de docus, débats intellectuels (un partenariat avec le Collège international de philosophie), rencontre avec des cinéastes de renom. Le Méliès, pourtant pas spécialement glamour, situé à l’une des sorties de métro dans une galerie commerciale à ciel ouvert à la station Croix-de-Chavaux, devient l’un des hauts lieux de la cinéphilie et accumule les succès (200 000 spectateurs par an). La violence du conflit sera d’autant plus irrationnelle, fondée sur une querelle de puissance. Un article du Monde met le feu aux poudres, il est porté aux nues, Voynet n’est pas citée une seule fois. Elle est folle de rage. «Est-ce qu’on connaît le nom du directeur de la piscine municipale ou de la bibliothèque ?» entend-on dans les couloirs de la mairie alors que l’alliance avec les socialistes explose et que le soutien de Stéphane Goudet, l’adjoint à la Culture Daniel Chèze, quitte le navire.
La cinéaste Dominique Cabrera, vivant à Montreuil, se souvient du jeune directeur, maître de conférence à Paris-I, spécialiste de Jacques Tati, critique à Positif, toujours en costume et chemise classique, débarquant à la tête du Méliès : «J’étais dubitative. Il avait tout de l’universitaire bon teint. Mais je crois que la mission l’a transformé, galvanisé, révélé. Il n’a cessé de devenir de plus en plus à l’aise devant le public avec un côté bateleur culturel à la fois intelligent et drôle. Les gens, qui viennent de milieux plutôt modestes et populaires, ont adoré ça.»
Nos premiers contacts avec Goudet datent de 2007. Il cherche à l’époque à parler à des journalistes car son cinéma municipal est attaqué par une hydre commerciale en furie. En effet, les circuits d’exploitations UGC et MK2 se sont associés pour empêcher un projet d’extension du cinéma de 3 à 6 salles art et essai au nom d’un«abus de position dominante» et de «concurrence déloyale» puisque le cinéma est subventionné et qu’il peut faire, soi-disant, de l’ombre, à l’UGC Cité-Ciné Rosny, qui n’est rien moins que le troisième cinéma de France, avec 2,3 millions de spectateurs par an ! Une vaste blague mais qui va durer deux ans.
La capacité de contre-offensive de Goudet déstabilise ses attaquants. En quelques jours, il fait grossir de plusieurs centaines de signatures une pétition de soutien avec des noms aussi prestigieux que David Lynch, Wong Kar-wai, Abbas Kiarostami ou Laurent Cantet (qui habite dans le secteur). UGC-MK2 finissent par jeter l’éponge, abandonnant la procédure en 2010. «Il a un côté pitbull, toujours en guerre, difficile à prendre en défaut,raconte Jacques Audiard, et en même temps, il a cette courtoisie de l’intellectuel académique. C’est très agréable.»
Le goût du cinéma pourtant lui est venu tard, après le bac, en classe prépa littéraire. Il sèche les cours, voit quatre à cinq films par jour entre Cinémathèque et Quartier latin. Le choc, la matrice est un film de Murnau,le Dernier des hommes, le récit d’une humiliation sociale : un vieux portier de grand hôtel est relégué par le directeur de l’établissement à l’entretien des toilettes. Il a grandi à Chartres. Ses parents sont enseignants spécialisés dans l’enfance inadaptée : «Mon père a eu une activité politique pendant vingt ans que je trouve admirable : conseiller municipal d’opposition dans une ville très à droite. Son moteur était la vie associative.» Les premières armes militantes, il les affûte à la cité universitaire d’Antony quand Patrick Devedjian annonce qu’il veut raser la barre d’immeubles réservés aux couples : «On a créé un mouvement dur, hors syndicat, avec occupation au long cours du restaurant universitaire, un mouvement qui s’est trouvé rencontrer les grèves massives contre Chirac et Juppé en 1995 où la France était dans un bordel sans nom. Ça a été une formation sur le tas de ce qu’est une mobilisation, y compris dans ses aspects de médiatisation : comment faire venir un politique, intéresser les journalistes à ce qui est en jeu à cet endroit-là.»
Aujourd’hui, il hume l’air de la vengeance, traînant Voynet devant les tribunaux pour diffamation publique. Tous les candidats (sauf les Verts) l’ont assuré qu’ils veilleraient à ce qu’il réintègre son poste perdu. Lui, marié, deux enfants, n’habite pas Montreuil mais Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). Il y a voté au premier tour pour une liste d’Union de la gauche, éliminée, «je ne voterai donc pas au second». Le chantier du nouveau Méliès, lui, s’éternise. L’inauguration prévue pour le printemps est repoussée au premier semestre 2015.

Élections municipales : les résultats du 1er tour à Montreuil

Les résultats complets du scrutin du 23 mars à Montreuil

Inscrits

Abstentions

Votants

Blancs et nuls

Exprimés

57623

28109
48,78%

29514
51,22%

1039
3,52%

28475
96,48%

Candidat

Nombre de voix

Pourcentage (%)

MONTREUIL EN MOUVEMENT, LE CHOIX D’AVENIR (Razzy HAMMADI)

2791

9,80

PACTE CITOYEN POUR MONTREUIL 2014
(Manon LAPORTE)

4752

16,69

ELIRE MONTREUIL
(Mouna VIPREY)

3120

10,96

ANTICAPITALISTE ET SOLIDAIRE
(Aline COTTEREAU)

552

1,94

LUTTE OUVRIERE FAIRE ENTENDRE LE CAMP DES TRAVAILLEURS
(Aurélie JOCHAUD)

287

1,01

MONTREUIL-AVENIR
(Patrice BESSAC)

5355

18,81

MA VILLE J’Y CROIS
(Jean-Pierre BRARD)

7275

25,55

ENSEMBLE POUR MONTREUIL
(Ibrahima DUFRICHE-SOILIHI)

4343

15,25

La Canard enchaîné (Mercredi 19 mars 2014)

La Canard enchaîné (mercredi 19 mars 2014)

Paru dans La Canard enchaîné du mercredi 19 mars 2014

Mediapart – Montreuil : Dominique Voynet est mise en examen

Montreuil : Dominique Voynet est mise en examen

Article publié le 11 mars 2014.

Par Jean-Pierre Anselme

À la suite de la plainte pour diffamation par trois salariés du cinéma Méliès, Dominique Voynet a été mise en examen. Ce qu’elle a caché à son conseil municipal, le 6 février, au moment de demander, et d’obtenir, la prise en charge par la ville de ses futurs frais de justice. Dernier acte d’un conflit dévastateur, dont Le Méliès et les Montreuillois devraient finalement sortir vainqueurs.

 

Il se fait tard et l’ambiance est lourde dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville de Montreuil où sont réunis, pour la dernière fois, les 53 conseillers municipaux (1). Dominique Voynet demande que lui soit accordée la « protection fonctionnelle », suite à la plainte pour diffamation publique envers particulier, déposée contre elle, le 12 avril 2013, par trois salarié-e-s du Méliès (il s’agit de Stéphane Goudet, directeur artistique du cinéma, licencié ensuite par Dominique Voynet, Marie Boudon, animatrice jeune public, Maud Mandile, comptable, toutes deux mutées ensuite contre leur gré dans d’autres services municipaux).

La « protection fonctionnelle » permet à une commune de prendre en charge les frais de justice de son maire lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales « à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions ».

 

QUESTION LÉGITIME

Une protection prévue par la loi mais qui n’est pas automatique ; elle est laissée à l’appréciation du conseil municipal qui doit décider, par un vote, de sa légitimité. Ce qui suppose, à l’évidence, que les conseillers municipaux disposent de toute l’information nécessaire sur les tenants et les aboutissants de la procédure en cours. D’où la question posée à Dominique Voynet (par la présidente du groupe socialiste, Alexie Lorca) : « Pouvez-vous nous dire où en est cette plainte ? »

Réponse de Dominique Voynet : « Je risque la mise en examen pour complicité de diffamation, sachant que c’est le directeur de publication du « Monde » (2) et le directeur de publication de « Télérama » (3) qui eux seront (sic) accusés de diffamation. »

Un « risque » ? Mais Dominique Voynet a reçu notification de sa mise en examen pour complicité de diffamation publique courant janvier 2014, soit bien avant le conseil municipal du 6 février… Pourquoi a-t-elle menti sur sa situation judiciaire, à l’heure de faire voter la prise en charge de ses frais de justice par les contribuables montreuillois ?

 

QUESTION SANS RÉPONSE

Sollicitée par mail, Dominique Voynet ne répond pas à cette question. Elle confirme sa mise en examen, mais elle tente aussitôt d’en atténuer la portée en prétendant que celle-ci « est, comme vous le savez parfaitement, quasiment automatique dans les allégations de diffamation ». Or le juge n’avait-il pas aussi le choix de donner le statut de témoin assisté à la maire de Montreuil ou, tout simplement, de la relaxer immédiatement si elle était en mesure de prouver ses allégations ?… Et si elle n’avait aucune preuve, toute accusation ne relève t-elle pas d’une faute grave qui mériterait sanction ? D’autant plus que l’enquête administrative interne qu’elle a diligentée a été produite à charge, en accumulant faux et approximations.

Comme elle l’a fait au conseil municipal du 6 février, Dominique Voynet rejette la responsabilité principale sur les directeurs de publication, avec qui elle « partage dans ce dossier la “vedette” », ironise-t-elle, précisant qu’elle « n’y voit rien d’honteux.» Certes, mais ce sont bien les propos qui lui sont imputés, dans « Télérama » et dans « Le Monde », qui lui valent d’être mise en examen pour diffamation. Des propos « qui ne mettent en cause personnellement aucun des trois agents qui se sont sentis visés », plaide-t-elle, alors que la suspension des trois agents est exposée dans les articles avec mention de leurs fonctions.Et de conclure : « Et (ces propos) sont loin d’atteindre le degré d’ignominie et d’insulte de ceux que vous, et d’autres, avez dits ou écrits à mon sujet. »

Eux aussi contactés, les trois plaignants n’ont pas souhaité commenter une décision de justice.

 

AVALANCHE D’ACCUSATIONS

Dans les deux articles incriminés (l’un paru dans « Télérama », du 15 janvier 2013, l’autre dans « Le Monde », du 21 janvier 2013, articles qui valent, à leurs directeurs de publication d’être mis en examen), Dominique Voynet accusait les personnels du Méliès d’avoir caché «des sacs de billet dans un placard pour un total de 1800 euros», d’avoir constitué une « caisse noire» destinée à payer des « faux frais » au festival de Cannes, à « rémunérer des cinéastes venus présenter leurs films et à acheter de la drogue »… « et même la cocaïne d’Abel Ferrara » !

Rappelons qu’à l’époque l’équipe du Méliès eut à subir une véritable avalanche d’accusations publiques, faisant allégrement fi de la présomption d’innocence, de la part de membres de la majorité municipale et de militants locaux d’Europe Écologie les Verts (EELV). Comme ce Tweet du 11 février 2013, de Mireille Alphonse, co-secrétaire d’EELV Montreuil, membre du bureau du conseil fédéral d’EELV et, présentement, directrice de campagne du candidat Vert aux élections municipales à Montreuil, Ibrahim Dufriche-Soilihi. Elle y écrivait, en réponse à un tract syndical de soutien aux travailleurs du Méliès : « La CGT en perte de repères ! Détourner l’argent pour les séances scolaires, ce ne serait pas si grave ? »

Lors du conseil municipal, la maire de Montreuil a plaidé qu’en « ce qui concerne les articles en cause, les mots qui me sont représentés, euh, qui me sont reprochés sont d’une telle bénignité que je ne me sens pas réellement en difficulté ». Ajoutant que ces articles sont « une sorte de synthèse et peut-être même de caviardage de ce qui a été réellement expliqué aux journalistes ». « Bénignité », vraiment ?

 

70 000 SPECTATEURS EN MOINS

Un an après, les accusations de Dominique Voynet contre les salariés du Méliès ont fait long feu. Le CNC (Conseil national du cinéma) n’a pas suivi la maire en refusant toute sanction contre le Méliès sur la gestion des séances non commerciales (46 sur 13 500), a changé la réglementation concernant ces séances marginales qu’il a admis sujettes à « confusion » et a rejeté toute accusation de «détournement des entrées scolaires ». Quant à l’accusation «d’enrichissement personnel », elle a rapidement été abandonnée.

Un an après, Le Méliès, qui pouvait s’enorgueillir d’être le fleuron des salles classées Art et essai, Recherche et Jeune public en banlieues, n’est plus que l’ombre de lui-même.

D’après le C-ism (Collectif indépendant des spectateurs du Méliès) (4), le bilan est calamiteux : 70 000 spectateurs en moins en 2013 par rapport à la fréquentation moyenne annuelle de la dernière décennie (180 000 entrées) ; soit 300 000 euros de perte de recettes en un an ; un effondrement du travail d’animation avec huit réalisateurs invités au lieu d’une soixantaine par an ; la perte des principaux festivals (Rencontres du cinéma documentaire, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Rencontres de la Seine-Saint-Denis) ; la fin de collaborations essentielles (Maison populaire, Collège international de philosophie, Périphérie, associations de quartier), la dissolution du Conseil consultatif du cinéma Méliès et la création d’une association para-municipale de spectateurs créée par des conjoints d’élus et des soutiens de la maire…

 

NOUVEAU MÉLIÈS EN PÉRIL

Un lourd bilan que les quinze salariés du Méliès ont payé au prix fort : une violence quotidienne et tous azimuts (deux enquêtes administratives avec 35 auditions, des accusations diffamatoires en série…) ; deux grèves en un an, dont l’une, historique, de 46 jours, contre la mise à l’écart de quatre salariés (dont un, le directeur artistique, Stéphane Goudet, licencié sans préavis ni indemnités, non pour avoir « mis en place une “caisse noire ” ou pour avoir acheté de la drogue aux réalisateurs », mais pour « non dénonciation d’une irrégularité comptable » et, surtout, pour « non respect du devoir de réserve »… après s’être défendu des accusations jugées par lui diffamatoires !)

Enfin, pour couronner ce désastre humain et culturel, et contrairement aux promesses réitérées de Dominique Voynet et de sa majorité, l’ouverture du nouveau cinéma Méliès de six salles (trois actuellement), le Nouveau Méliès, annoncée pour fin 2014 (date immédiatement démentie par la communauté d’agglomération Est Ensemble), pourrait ne pas intervenir avant… 2016, voire 2017 (les travaux de construction sont à l’arrêt !). Avec une facture qui a explosé, passant de 8 millions d’euros, au début du projet, à 18,7 millions d’euros (5).

Un collectif de huit cinéastes (Solveig Anspach, Dominique Cabrera, Robert Guédiguian, Dominik Moll, Gérard Mordillat , Chantal Richard, Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Thorn) écrivait, dans une tribune publiée sur ce blog (6), le 16 avril 2013 : « Ce qui s’est joué à Montreuil c’est la sanction d’une équipe qui avait osé dès 2006 résister (“avec arrogance ” dira Voynet !) au recours d’UGC/MK2 pour “concurrence déloyale” contre le projet d’extension du Méliès de 3 à 6 écrans. » Cela dans un contexte hexagonal où les salles de cinéma indépendantes sont menacées de mort par la concentration de l’exploitation (7).

 

REINE GUERRIÈRE

En annonçant, le 26 novembre 2013, qu’elle ne briguerait pas un second mandat municipal (8), Dominique Voynet a eu droit pendant des semaines aux honneurs médiatiques. D’interview en interview, à la télé, à la radio, dans la presse écrite, sur Internet, mêlant dénonciations incendiaires aux confidences les plus intimes, elle est parvenue à brosser d’elle-même le portrait d’une innocente victime des mœurs « cannibales » de la politique professionnelle.

Ainsi, parmi bien d’autres exemples, dès le lendemain de l’annonce de son retrait, Gérard Pancrasi, dans « l’Express.fr »(9), n’a-t-il pas hésité à comparer Dominique Voynet à « la Kahéna, cette reine guerrière du 7e siècle qui fut considérée comme la première féministe de l’histoire, dont le nom signifie en grec “être pure”, et qui paya de sa vie sa lutte contre la dynastie des califes ».

Et d’ajouter que « ses déclarations sont loin d’être anodines : elles sont un signal d’alerte d’une dégradation de nos mœurs politiques. L’ancienne ministre de l’Écologie demande que la vie politique change, car l’atmosphère y est irrespirable ». Dominique Voynet dénonce dans sa lettre de renonciation à un second mandat municipal le « fight club » de la politique, « où il s’agit de traîner l’autre dans la poussière, de l’humilier, de le détruire ». Elle y prétend «  refuser de rendre coup pour coup, d’user du mensonge, de la calomnie et de l’insulte ».

 

DERNIÈRES CARTOUCHES

Les dernières semaines de son mandat municipal auront montré que Dominique Voynet n’a pas perdu son « punch » pour tenter d’empêcher, qu’après son départ, les quatre agents, par elle écartés, soient réintégrés. Car tous les candidats qui se présentent aux élections municipales s’y sont engagés (du NPA et de Lutte Ouvrière à l’UMP, en passant par le Front de gauche, les Divers Gauche, la liste de l’ancien Maire Jean-Pierre Brard et le Parti Socialiste). Seule exception : la liste d’Europe Ecologie Les Verts. Mais, ultime complication, pour que cette promesse soit tenue, il fallait que le successeur de Dominique Voynet ait encore le pouvoir et le temps d’agir avant le transfert prévu de la gestion des personnels du Méliès de la commune de Montreuil à la Communauté d’agglomération d’Est ensemble (10).

Aussi, utilisant ces dernières cartouches, la maire a-t-elle bataillé jusqu’à la dernière seconde pour que ce transfert ait lieu à une date qui rende impossible à son successeur la réintégration des agents du Méliès. Elle voulait le 1er mars — avant l’élection municipale !… — mais, finalement, après une mobilisation et une nouvelle grève du Méliès, de recul en recul, c’est la date du 1er juin qui l’a emporté. Ce qui devrait permettre à la communauté d’agglomération de récupérer l’équipe au grand complet et, dans la foulée, de créer enfin les conditions pour que le cinéma Méliès renaisse de ses cendres.

 

AUTOPORTRAIT

Dominique Voynet a perdu sa dernière bataille. Sans doute, en s’attaquant à une petite équipe de 15 personnes d’un cinéma municipal était-elle loin d’imaginer pareille résistance à son omnipotence. Et encore moins que des milliers de Montreuillois se solidariseraient avec leur combat. Elle aurait pu vivre et laisser vivre une expérience magnifique, mais elle n’a pas supporté l’indépendance et la liberté d’esprit de ses acteurs. Il lui fallait prendre le contrôle de cet ovni citoyen, coûte que coûte, et ce dès son arrivée à la mairie de Montreuil.

Dominique Voynet est un symptôme de la crise de la représentation et c’est son autoportrait qu’elle dessine en dénonçant les affres de la politique. La future ex-maire de Montreuil n’est pas un cas isolé, sa pathologie du pouvoir est hélas partagée par des milliers d’autres élus, des communes aux plus hauts sommets de l’État. Puisse son « sacrifice » être utile.

 

 

NOTES :

(1) L’intégralité du conseil municipal de Montreuil, le 6 février, est visionnable sur Internet (la partie des débats concernant la demande de protection fonctionnelle par la maire commence à 4h38) : http://www.montreuil.fr/vie-citoyenne/comptes-rendus-deliberations-et-archives-video-des-seances-du-conseil-municipal/videoscm/conseil-municipal-du-6-fevrier-2014/

(2) L’article du « Monde », « Un mauvais film se joue au Méliès » :http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/21/un-mauvais-film-se-joue-au-melies_1819973_3246.html

(3) L’article de Télérama », « Voynet a-t-elle le Méliès dans le nez ? », n’est pas disponible sur le site du journal.

(4) Lire sur le site du Méliès en lutte :http://lemeliesenlutte.canalblog.com/

Consulter aussi le site de l’association des spectateurs du Méliès, Renc’Art au Méliès : http://rencartaumelies.blogspot.fr/

(5) Vidéo où Dominique Voynet présente le Nouveau Méliès avec une animation qui met en appétit, à juste titre, et où elle annonce son ouverture en novembre 2013 :http://www.youtube.com/watch?v=8gu-JnaLDVE

(6) Tribune de huit cinéastes intitulée « De quoi le Méliès-Montreuil est-il le signe ? » : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/160413/de-quoi-le-melies-montreuil-est-il-le-signe

(7) Concernant la concentration de l’exploitation cinématographique et sur la situation du cinéma en salle, lire la prise de position du syndicat des réalisateurs (SFR-Cgt) sur la nécessité d’une autre politique publique, publiée sur ce blog le 28 février dernier : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/280214/cinema-en-salle-pour-une-autre-politique

(8) L’intégralité de l’annonce par Dominique Voynet qu’elle ne briguerait pas un second mandat municipal, « Je ne suis pas candidate à ma réélection à la mairie de Montreuil », sur son blog, le 25 novembre 2013 : http://dominiquevoynet.eelv.fr/je-ne-suis-pas-candidate-a-ma-reelection-a-la-mairie-de-montreuil/

(9) L’intégralité de l’article consacré à Dominique Voynet par Gérard Pancrasi, dans « l’Express.fr », « Dominique Voynet tire le signal d’alerte d’une dégradation de nos moeurs politiques » :http://www.lexpress.fr/actualite/les-deboires-de-dominique-voynet-revelent-un-monde-politique-en-crise_1303044.html

(10) Pour en savoir plus sur le passage de la gestion des personnel du Méliès à Est ensemble, l’éclairage de la Cgt des Territoriaux de Montreuil sur son site :https://territoriauxcgtmontreuil.wordpress.com/

 

PRÉCÉDENTS ARTICLES SUR LE MÉLIÈS

ET MONTREUIL PARUS SUR CE BLOG :

• « Montreuil : préavis de grève au cinéma Méliès » (25 janvier 2014) : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/250114/montreuil-preavis-de-greve-au-cinema-melies

• « À Montreuil, “Négro de service’ » (28 juin 2013) :http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/260613/montreuil-negro-de-service

• « Tout va très très bien à Voynetgrad » (9 juin 2013) :http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/090613/tout-va-tres-tres-bien-voynetgrad

• « De quoi Le Méliès est -il le signe ? »(18 avril 2013) tribune :http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/160413/de-quoi-le-melies-montreuil-est-il-le-signe

• « Tout va très bien à Voynetgrad » (24 février 2013) :http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/240213/tout-va-tres-bien-voynetgrad

Le Parisien – Sortie de crise au cinéma Méliès

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Le Parisien – Scénario mélodramatique au Méliès

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Mediapart – Montreuil : préavis de grève au cinéma Méliès

Montreuil : préavis de grève au cinéma Méliès

Reniant sa parole, Dominique Voynet fait le forcing pour que le cinéma municipal d’art et d’essai de Montreuil (93), le Méliès, passe sous la coupe de la Communauté d’agglomération (Est ensemble) avant les élections municipales (où elle ne se représente pas). Les personnels concernés viennent de déposer un préavis de grève pour le 31 janvier.

« Aujourd’hui, écrit la CGT de la ville à la maire de Montreuil, vous décidez de transférer les agents [du Méliès] à la CAEE [Communauté d’agglomération Est ensemble] en toute hâte sans tenir compte ni de vos engagements d’un transfert à la livraison du nouveau six salles [prévues fin 2014], ni de l’état de “délabrement” de l’ensemble des agents, toutes missions confondues.

Dominique Voynet avance à présent l’échéance du 1er mars. Si c’était le cas, l’équipe municipale issue des élections arriverait aux commandes… dépossédée de son pouvoir sur les personnels du Méliès. Une grossière manœuvre de dernière minute, la majorité de candidats s’étant déclarée favorable à la réintégration des personnels injustement sanctionnés par Dominique Voynet.

Après avoir jeté l’éponge, celle-ci déclarait : « Je me prive du plaisir d’inaugurer. Mais je ne me prive pas de la responsabilité de consolider les projets que j’ai lancés pour les rendre irréversibles. »

Après un an de lutte, dont 48 jours de grève, l’équipe du Méliès reste combative, résistante au harcèlement de sa hiérarchie, plus que jamais solidaire de ses collègues écartés par la municipalité, .

À suivre…

(1) Le communiqué de la CGT : https://territoriauxcgtmontreuil.wordpress.com/2014/01/

(2) Lien vers l’association montreuilloise Renc’art au Méliès : http://rencartaumelies.blogspot.fr/

ARTICLES PRÉCÉDENTS SUR LE MÉLIÈS

• « Tout va très bien à Voynetgrad » : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/240213/tout-va-tres-bien-voynetgrad

• « Tout va très très bien à Voynetgrad » : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/090613/tout-va-tres-tres-bien-voynetgrad

• « De quoi Le Méliès est -il le signe ? » : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/160413/de-quoi-le-melies-montreuil-est-il-le-signe

Tous solidaires, tous mobilisés. Les nouveaux visuels de la lutte.

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Tract CGT Territoriaux du 24/01/2014 – Préavis de grève pour le 31 janvier 2014

Cliquez sur l’image pour visualiser le texte.

Tract_240114

Tract CGT Territoriaux du 13/01/2014

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